Bonsoir tout le monde.

Ah !, les vacances, l’insouciance, la plage et les barbecues, le doux abrutissement de l’apéritif pour oublier les catastrophes climatiques et l’horreur du monde.

C’est dans cet esprit résolument positif que je vous propose, cette semaine, une livraison légère et concise.

1. Froide et en grande quantité

M’étant retrouvé à court de Jack Reacher voilà quelques semaines, j’ai entrepris de lire cet été les aventures du commissaire Maigret, dans l’ordre de leur publication. C’est tout à fait délicieux, sec et incisif, parfait pour les après-midis au parc et les longs voyages en train. Si je vous en parle ce soir, c’est à cause de ce passage, situé au tout début de la dixième aventure de Maigret, La danseuse du Gai-Moulin :

La tenture de velours doublant la porte d’entrée s’était soulevée. Un homme tendait son chapeau melon au chasseur, restait un moment immobile à faire des yeux le tour de la salle. Il était grand, lourd, épais. Son visage était placide et il n’écouta même pas le garçon qui voulait lui conseiller une table. Il s’assit n’importe où.

— De la bière ?

— Nous n’avons que la bière anglaise… Stout, pale-ale, scotch-ale ?…

Et l’autre haussa les épaules pour signifier que cela lui était parfaitement égal.

On aura reconnu Maigret, superbement indifférent, heureux d’être pris pour un plouc et un imbécile.

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J’ai tiqué sur cette histoire d’indifférence à l’IPA (parue en 1931 !) parce qu’elle m’a rappelé un passage de cette interview du regretté Anthony Bourdain, publiée par Thrillist en 2016 :

Je dirais que les critiques les plus acerbes que mon émission a essuyées concernent les épisodes où je bois n’importe quelle bière fraîche disponible là où je suis, et pas la meilleure bière du coin. Genre j’ai pas fait l’effort de marcher pendant une heure jusqu’à la microbrasserie où ils font de la putain d’IPA Mumford and Sons. Les gens se mettent dans des états pas possibles. Le fond c’est que j’aime la bière fraîche. J’aime passer un bon moment. Et très honnêtement je n’aime pas parler de bière. Je n’aime pas parler de vin. J’aime boire de la bière. Si vous m’en servez une très bonne, une bonne bière artisanale, je l’apprécierai et je le dirai. Mais je ne l’analyserai pas.

Une fois, à San Francisco, je mourrais d’envie d’une bière, alors je suis rentré dans un bar. J’ai crû que c’était un vieux bar. Je me suis assis et j’ai regardé, et il y avait une énorme sélection de bières dont je n’avais jamais entendu parler. Et c’est très bien. OK, je suis dans un bar à bières, qu’est-ce que je prends ? Mais j’ai regardé autour de moi : à toutes les tables il n’y avait que des gens avec cinq petits verres devant eux, remplis de bières différentes, et qui prenaient des notes. Ça c’est pas un bar. C’est L’Invasion des profanateurs de sépultures. C’est le mal. Un bar, ça ne sert pas à ça. Ça sert à se sentir légèrement pompette, à bousculer plaisamment ses sens, à passer un bon moment, à interagir avec les autres, ou à prendre de mauvaises décisions, ou à s’apitoyer sur son sort. Ca ne sert pas à analyser des putains de bières. C’est antinomique.

[Anthony Bourdain: The Thrillist Interview]

C’est grâce à cette interview que j’ai réussi à mettre le doigt dessus : j’aime la bière froide et en grande quantité, exactement pour les raisons citées.

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Un documentaire sur Anthony Bourdain sort en ce moment aux États-Unis, j’ai hâte de pouvoir le voir :

2. Le poisson loup

Hier à l’aquarium de Montpellier, je suis tombé nez à nez avec ce superbe spécimen :

Il s’agit d’un poisson loup à ocelles, et ma photo ne rend pas justice à la majesté de ses mâchoires, ni à la longueur de son corps :

Il se nourrit de crustacés, d'oursins de mer, de moules, de palourdes et d'autres poissons. Sa puissante mâchoire, armée d'impressionnantes canines, lui permet d'écraser les carapaces des animaux dont il se nourrit (notamment des oursins). Il peut mesurer jusqu'à 203 cm et peser 18,6 kg.

On le trouve de la mer du Japon au nord de la Californie, dans les récifs rocheux en eaux peu profondes. Bien que d'apparence peu ragoûtante, le poisson loup à ocelles est timide et docile à l'encontre des êtres humains, et n'est pas dangereux.

[Poisson loup à ocelles sur Wikipédia]

3. Thrillers érotiques

Comme un peu tout le monde, je pense, je réserve une tendresse particulière au cinéma du temps où j’étais jeune et plein d’avenir. Or, sur le blog de MUBI, Cristina Cacioppo a récemment consacré une excellente introduction à l’un des genres phares des années 90, qui avait mauvaise presse à l’époque et a pratiquement disparu depuis : le thriller érotique.

Héritiers du film noir et d’Alfred Hitchcock, les thrillers érotiques commencèrent à proliférer à Hollywood dans les années 1980, avec Pulsions (1980) et Body Double (1984) de Brian DePalma, puis l’immense succès de Liaison fatale (1987) d’Adrian Lyne. Même si la nudité était devenue acceptable à l’écran depuis une vingtaine d’années, le cinéma américain grand public ne savait pas comment faire des films de charme comme les Européens. Les thrillers érotiques offraient donc une forme de solution : on pouvait montrer du sexe, tant qu’il était accompagné de quelque chose de menaçant et, généralement, d’une punition. Entre les mains de scénaristes habiles, de stars audacieuses, et de réalisateurs hardis, ce genre se distingue par sa capacité à titiller, entraînant le public dans une course folle où le sexe peut détruire les mariages et les carrières.

[Notebook Primer: 90s Erotic Thrillers]

L’analyse du genre est tout à fait juste, et il y a plein de recommandations excellentes, notamment Bound et The Last Seduction, ainsi qu’une timide réhabilitation de cette magnifique débilité qu’est Color of Night.

Il y en a aussi quelques uns que je ne connaissais pas, mais dont les pitches sont particulièrement alléchants (un peintre reçoit une commande bizarre : une femme lui demande de peindre un portrait d’elle coupée en deux. On la retrouve bientôt coupée en deux). Je garde ça dans un coin de ma tête en attendant la rentrée.

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Et ce sera tout pour cette fois — si c’était un peu court à votre goût, je vous recommande chaudement la dernière livraison des cailloux*.

Bel été, bon courage à tous. Portez-vous bien.

M.