Bonjour tout le monde,

Depuis le temps que je vous le promets, voici enfin un zine !

J’étais un peu frustré d’avoir parlé, il y a quelques temps, des films adaptés des livres de Bret Easton Ellis sans les avoir tous vus. Alors j’ai décidé de voir TOUS les films auxquels il a collaboré, même vaguement, et toutes les adaptations de ses livres, y compris celles qui n’existent pas mais qui auraient pu.

J’espère que ça vous plaira, moi en tout cas je me suis bien amusé — ci-dessous, la page d’introduction.

Jessy Nite, Disappear Here (Vienne, 2016)

En 2012, Bret Easton Ellis a donné une interview à l'écrivain français Laurent Binet, l’auteur de HHhH et La Septième fonction du langage — ils ont le même éditeur américain, et c’était sans doute un exercice de promo pour donner une légitimité à Binet aux États-Unis. Binet a préparé l’exercice de son mieux, on sent toute l’éducation littéraire française derrière chacune de ses questions, mais clairement BEE était saoulé au possible par cet interrogatoire intrusif, qui voulait expliquer ses textes et pas juste en parler.

À un moment, Laurent Binet pose une question sur un motif récurrent chez Ellis, la phrase « Disappear Here ».

Binet : Dans Imperial Bedrooms, on retrouve aussi les mots « disappear here ». Pourquoi est-ce que c’est si important pour vous ?

Ellis : Ces mots sont partout, hein ? Ils sont dans Lunar Park… Je ne sais pas… Écrire un livre c’est très affectif, ce n’est pas très rationnel (la logique ce n’est pas trop bon pour les romans), et je pense qu’un livre c’est un rêve, que c’est en grande partie vos fantasmes, que tout n’a pas à faire sens, que d’une certaine manière c’est de la poésie.

Binet : Mais est-ce que pour vous c’est une peur, ou un fantasme, quelque chose que vous désirez, ou quelque chose que vous craignez, ce programme, « disappear here », est-ce que c’est quelque chose qui souvent vous—

Ellis : Je pense que le sens de ces mots change à chaque livre. Leur signification dans Moins que zéro est très différente de celle qu’ils ont dans Imperial Bedrooms. Dans Moins que zéro c’est plus culturel, pratiquement politique, parce que c’est sur un panneau qui flotte ostensiblement au-dessus de la ville, au-dessus de Sunset Boulevard, avec les mots « disappear here ». Alors que dans Imperial Bedrooms, les mots sont écrits sur le miroir de sa salle de bain, donc on est plutôt dans… Vous voyez c’est pour ça que je ne peux pas expliquer comment je travaille, parce que souvent ça a l’air vraiment débile.

Je n’aime pas vraiment les livres de Bret Easton Ellis, mais je suis obligé de reconnaître l’importance qu’ils ont eu dans le paysage littéraire des années 90-00, qui sont mes années de jeunesse — le scandale permanent, l’écriture obstinément plate pour décrire un monde sordide, les protagonistes amoraux et aliénés, incapables de comprendre une réalité toujours plus friable…

Au tournant des années 2000, la figure de BEE était à son apogée. L'adaptation en film d'American Psycho avait fait un tabac. Et pourtant je suis passé à côté. Très sincèrement je ne sais pas pourquoi, peut-être par anti-conformisme primaire, et peut-être aussi parce que j’avais toujours en bouche le goût dégueulasse que m’avait laissé la lecture du livre.

Je suis finalement tombé dans le vortex du Bret Easton Ellis Extended Cinematic Universe avec au moins 20 ans de retard, en me retrouvant sur la page Wikipédia de Glitterati, un film fantôme que Roger Avary a tourné mais n’a finalement jamais sorti, et qui devait faire « un pont » entre son adaptation des Lois de l’attraction et celle, prévue, de Glamorama. Et comme je n’aime rien tant que les films qui auraient pu exister, les projets foirés, les fragments qui demeurent d’une œuvre jamais réalisée, forcément je me suis demandé où ça en était, toutes ces adaptations annoncées mais jamais tournées, et ce que BEE devenait — je n’ai entendu parler de lui ces dernières années que pour des sorties de boomer largué, qui croit que ses provocations habituelles susciteront le même intérêt du public que quand il était jeune.

De fil en aiguille, je me suis laissé happer par le BEEECU, dont la chronologie bizarre ajoute une couche de confusion et de sens aux liens déjà chaotiques existant entre ses livres, et j’ai eu envie de comprendre la trajectoire d’un auteur dont la figure a longtemps été si présente, jusqu'à frôler le mainstream, avant de s'estomper à peu près complètement.

Je voulais savoir où et comment Bret Easton Ellis avait disparu.


Vous retrouverez cette enquête proprement palpitante dans Kimchi Overdose Volume 9 : Disappear Here, à télécharger ici :

Cette page est réservée aux abonnés payants

Abonnez-vous pour lire la suite, ainsi que tous les autres textes réservés aux abonnés.

S'abonner Déjà inscrit ? Connexion