Bonsoir tout le monde.

Cette semaine, j'ai mille choses à faire donc ce sera une newsletter express.

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Tant que je vous tiens : je viens de boucler un nouveau zine qui raconte quelques épisodes de la vie rocambolesque de Ludwig Wittgenstein — à ma connaissance le seul philosophe à avoir vécu trois mois dans la cabane à outils d'un monastère, breveté un moteur d'avion, et donné un cours de maths à Alan Turing.

C'est, très sincèrement, le truc le plus divertissant que j'ai écrit depuis longtemps — et je crois qu'on a tous grand besoin d'être divertis, en ce moment, donc faites-vous plaisir.
Tranches de Wittgenstein
Ce mois-ci, un Kimchi Overdose grand format raconte la vie invraisemblable de Ludwig Wittgenstein, fils d’un des hommes les plus riches d’Europe qui renonça à son héritage, architecte qui ne construisit qu’une seule maison, philosophe qui cherchait détourner tous ses élèves de la philosophie.

Les abonnés trouveront leur exemplaire dans leur boîte à lettres et leur PDF à la fin de cette newsletter.

Allez, on décolle — enfin on essaie.

1. Les dirigeables fantômes

Le meilleur article de la semaine est une enquête signée par Marjolaine Koch pour France Info :

ENQUETE. Flying Whales : 90 millions d’euros d’argent public investis et toujours aucun prototype de dirigeable
Créée en 2012, la société Flying Whales veut construire des dirigeables qui porteraient des charges lourdes en zones difficiles. La région Nouvelle-Aquitaine et l’État ont déjà investi 90 millions d’euros dans le projet alors que certains experts doutent de sa faisabilité.

Vous l'avez sans doute déjà vu passer si vous êtes abonné à Climax et/ou au Pavé numérique, mais franchement je peux pas m'empêcher de vous le faire lire aussi, ne serait-ce que parce que je vous parlais de Flying Whales il y a un an tout juste :

La revanche du dirigeable
Le baromètre du solarpunk : le retour

(je vous parlais alors aussi d'énergie osmotique — sur laquelle j'aurais plutôt parié s'il avait fallu choisir une escroquerie — et, la voix pleine d'espoir, de panneaux solaires à Gaza. Ça paraît loin.)

2. Les chats vs. la science

Ensuite, je vous livre cette incroyable histoire signalée par une excellente amie qui se reconnaîtra :

J'ai entendu des chercheurs expérimentés déconseiller à leurs jeunes collègues d'utiliser des chats pour leurs expériences. Apparemment, dans certaines circonstances, si on donne à des chats un problème à résoudre ou une tâche à accomplir pour accéder à de la nourriture, ils comprennent très vite comment faire, et leur courbe d'intelligence grimpe très rapidement. Mais d'après ce qu'on m'a rapporté, "le problème est que dès qu'ils comprennent que le chercheur ou le technicien veut qu'ils appuient sur le levier, ils cessent de le faire ; certains préfèrent mourir de faim que de le faire" (à ma connaissance, cette théorie radicalement anti-behavioriste n'a jamais fait l'objet d'une publication).
Je trouvais ce résultat fascinant — j'aurais voulu tout lâcher pour découvrir ce que les chats tentaient de faire ou de dire aux chercheurs. Après tout, quand des humains se comportent d'une telle manière, nous leur attribuons tout un catalogue de vertus élaborées pour l'expliquer. Mon erreur était d'imaginer, bêtement, que le but de ces efforts était de comprendre les animaux, alors que ce n'était pas le cas du tout. Le but était simplement de Faire de la Science, comme je commençais à le soupçonner en entendant un professeur émérite dire à un jeune chercheur : "Évite les chats, ils vont bousiller tes données".

[Vicky Hearne, Adam's Task: Calling Animals by Name, 1986, p. 225 (cité par Vinciane Despret dans Penser comme un rat (2009))]

Fabienne Gallaire (@Lignedescience@sciences.re)
« I used to hear older experimenters advising younger ones about working with cats. It seems that under certain circumstances, if you give a cat or cats a problem to solve or a task to perform in order to find food, they work it out pretty quickly, and the graph of their comparative intelligence shows a sharply rising line.

3. Machines à écrire & mélancolie

En dépit de ma propension jamais démentie à croire qu'un nouveau gadget réglerait tous mes soucis, je n'ai pas cédé à nouveau aux sirènes du dumbphone. J'ai même juré d'arrêter d'acheter encore des instruments d'écriture alambiqués — mais ça n'interdit pas de regarder ce qui se fait. Par exemple :

C'est surtout ce qu'a à en dire le créateur de cette jolie machine qui m'a interpelé :

Ma femme et ma fille, qui d'habitude ne manifestent pas le moindre intérêt pour mes créations, ont curieusement fait montre d'un semblant de curiosité cette fois. Peut-être à cause des pièces d'un jaune éclatant, peut-être parce que les couleurs leur évoquaient quelque chose (Ironman ?). J'en ai parlé à ma femme, et depuis elle fait de son mieux pour me soutenir. Mais les arcanes des claviers mécaniques ne la passionnent guère. Elle est convaincue que ça n'intéresse que trois personnes au monde : moi, mon pote, et vous, lecteur.
Quand la vie me paraît entièrement vide de sens, je repense à ce moment — je me souviens des heures innombrables et de l'énergie consacrée aux itérations de ce projet. J'en suis à la cinquième version, avec quatre appareils qui ne servent qu'à écrire. J'en viens à me demander si mon avenir aura un peu plus de sens que mon présent. Quoi qu'il en soit, je trouve un certain réconfort à voir les améliorations réalisées à chaque itération, et à me souvenir que je suis (encore) capable de résoudre des problèmes. Ou peut-être que je crée simplement mes propres problèmes ?
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De fait, au lieu de me lancer dans un projet DIY qui dépasse certainement mes compétences et dont, quand bien même il aboutirait, je ne serais jamais pleinement satisfait, j'ai fini par trouver quelqu'un capable de réparer mon Ericsson MC218, toujours la machine la plus cool que je possède.

On verra bien si ça me décolle enfin de l'ordinateur.

Comme disait Wittgenstein : La solution du problème que tu vois dans la vie, c'est une manière de vivre qui fasse disparaître le problème.

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