Bonsoir tout le monde,

Je sais pas vous, mais moi en tout cas j'ai bien besoin de me coller la tête dans le sable, ne serait-ce qu'un instant.

(l'avantage c'est qu'on peut en profiter pour hurler sans déranger personne)

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Tant que je vous tiens : il vous reste deux jours pour précommander le nouveau numéro de Climax, qui s'annonce formidable, à un tarif préférentiel :

CLIMAX vol. 4

J'y parle notamment du Mouvement pour l'extinction volontaire de l'humanité et des "eugénistes hipsters", omniprésents dans les médias américains l'an dernier, et qui commencent à nous envahir aussi.

Et si vous êtes dans les parages, passez donc nous voir à la soirée de lancement - jeudi 16 novembre au Point Éphémère à partir de 18h30.

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Allez hop, c'est parti pour trois histoires intéressantes et soigneusement sélectionnées pour penser à autre chose :

1. Objection !!

J'en ai déjà parlé au tooooout début d'Absolument Tout, mais j'ai une passion pour les jeux de la série Phoenix Wright: Ace Attorney. Si jamais vous l'ignorez, il s'agit de jeux d'aventure de type visual novel, dans lesquels on incarne un avocat chargé de défendre des personnes injustement accusées de meurtre, le tout dans des conditions fort précaires : enquête de police bâclée, procédure expéditive, procureurs à la limite de la malhonnêteté, témoins manipulés, juge distrait et pressé d'en finir...

Tout cela est certes bon pour faire monter la tension dramatique, mais ce n'est pas la seule raison. Les jeux se déroulent dans un monde ostensiblement fictif, mais ils n'en constituent pas moins un commentaire indirect sur la justice pénale japonaise, qui est notoirement expéditive et guère ouverte au contradictoire (la détention provisoire est pratiquement systématique et le taux de condamnation des mis en examen atteint les 99,9%).

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J'ai bien aimé ce texte pas tout récent, mais que je connaissais pas, où un avocat américain détaille tout ce qui, en tant que juriste, lui a semblé bizarre et ridicule en jouant à Ace Attorney. Notre avocat constate qu'une bonne part de ces étrangetés sont imputables à des différences entre la procédure pénale aux États-Unis et au Japon. Mais il y a quand même des choses complètement absurdes :

Les procès dans Ace Attorney ne ressemblent absolument pas à de vrais procès, si ce n'est de manière très superficielle : il y a un juge, deux avocats, des témoins, des preuves. Mais se contenter de dire que la représentation est inexacte raterait l'essentiel. (...)
Exiger un verdict dans les trois jours suivant l'arrestation est absolument ridicule. J'ai l'impression que ça va directement à l'encontre des choses que nous avons comprises il y a mille ans avec la Magna Carta. Même le politicien le plus ardent, le plus endurci et le plus alarmiste, qui veut "lutter contre la délinquance", n'essaierait jamais d'imposer ce genre de règle, même si les tribunaux sont surchargés. Il est même probable que les partisans de la "lutte contre la délinquance" détesteraient cette règle, eux aussi. Comment préparer correctement un dossier en une nuit, pour un procès le lendemain ? Ne vaut-il pas mieux donner au procureur un peu plus de temps pour s'assurer qu'il a le nécessaire pour obtenir une condamnation ? Je comprends que l'objectif est de maximiser l'efficacité des audiences, mais jamais l'efficacité ne prendrait à ce point le pas sur les mécanismes mis en place pour s'assurer que l'on tient le bon coupable.

[A Lawyer Revisits Phoenix Wright: Ace Attorney]

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Ça fait froid dans le dos, hein ? Eh bien maintenant vous pouvez aller lire quelques récits de comparutions immédiates en France.

La Sellette | Le Club de Mediapart
La Sellette s’intéresse à la justice pénale ordinaire, telle qu’elle se pratique quotidiennement dans les tribunaux. Ce qu’on appelle parfois la « petite justice », celle qui, loin des cours d’assises et des procès médiatiques, ne s’applique qu’à des affaires peu spectaculaires, pour lesquelles chaq…

2. Le Mikiphone

J'ai découvert je ne sais comment un objet qui paraît exister uniquement pour me divertir : le Mikiphone, un gramophone portable de 12cm de diamètre inventé en 1926, et capable de lire les disques 78 tours.

Très facile à transporter, il fut rapidement commercialisé par la société suisse Paillard. Malheureusement, sa fragilité et les nombreux problèmes techniques rencontrés mirent rapidement fin à cette invention, qui ne fut produite qu’à 180 000 exemplaires.
Ce tourne-disque miniature ressemblait à une montre à gousset un peu volumineuse. Une fois ouvert, il s’agissait d’assembler (et ce n’est pas une mince affaire !) les différentes parties de l’appareil avant de pouvoir y poser un disque à écouter.

[Le Mikiphone : le plus petit tourne-disques au monde !]

Effectivement, le prix de la miniaturisation est une certaine complexité d'utilisation, mais ça ne gâche rien :

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Vous pouvez retrouver des photos de grande qualité et une notice un peu plus complète sur cette page :

Mikiphone
La compagnie Paillard, spécialisée dans la fabrication de pièces détachées de précision, met au point le premier gramophone de poche au monde. À la différence des lecteurs MP3 portables d’aujourd’hui, l’appareil pour 78 tours, rangé dans une boîte en fer-blanc, doit être minutieusement monté avant c…

3. (Suggestion de présentation)

Le flic de Beverly Hills

J'ai une passion coupable pour les faux tableaux qui servent d'accessoires dans les séries et films américains. Ils sont généralement fort laids, car leur rôle est moins d'être des œuvres que d'évoquer tout l'imaginaire de l'art contemporain — semi-figuratif mais incompréhensible, criard, hors de prix, prétentieux, techniquement incompétent et laid.

Beverly Hills 90210

Très actif de 2013 à 2015, le blog Art in the Movies offrait des analyses passionnantes de ces tableaux conçus pour représenter sans être vus, génériques au point de ne pas exister, et de leur rôle dans les œuvres où ils figurent :

À en juger par la manière dont les autres personnages le traitent, nous sommes censés penser que le travail de Colin a fait l'objet d'éloges considérables. Lorsque Clare (Kathleen Arnold), la colocataire de sa petite amie, le rencontre, elle régurgite un extrait d'une critique du travail de Colin dans Art News, qu'elle a apprise par cœur pour une raison inconnue : "Le travail de Colin Robbins offre éclat et profondeur formelle, tout en reflétant la nature tangentielle de la vie dans un contexte en pleine accélération et saturé de médias".

[Beverly Hills, 90210: Season 6 (1995)]

Et il y a une petite dizaine d'années, à l'époque bénie des tumblrs monothématiques, on trouvait aussi Art in Film.

Art in Film

Le site n'est apparemment plus mis à jour, mais c'est toujours un plaisir d'y flâner, notamment parce que les œuvres sont présentées cette fois sans commentaire, d'une manière qui ressemble beaucoup aux sites de galeries ou d'artistes de cette même époque :

Art in Film

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Et pour la route — on peut remonter la généalogie de cet imaginaire jusqu'aux comics des années 50-60, qui adoraient se moquer gentiment de l'art contemporain d'alors :

modern art in midcentury comics on cohost
Send me more if you find ’em!

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Et ce sera tout pour cette fois. Prenez soin de vous, n'hésitez pas à hurler si le besoin vous prend, je pense que tout le monde comprendra bien.

À bientôt.

M.